Illustration : Pexels.com, Yogendra SINGH
Le Collège des Ceintures Noires Phương Khi : La souplesse et le Qwan Ki Do
Le travail de la souplesse dans la pratique martiale est primordial pour favoriser les performances physiques et techniques du pratiquant.
La souplesse peut être améliorée et nécessite pour cela une pratique progressive et régulière afin d’en voir les bienfaits et résultats.
Le principal objectif du travail de la souplesse est l’augmentation de l’aisance et de l’amplitude des mouvements durant leur exécution. Souvent associée aux termes “étirement”, “assouplissement” ou “stretching”, la souplesse est une qualité physique à part entière, permettant de réaliser ses mouvements avec la plus grande amplitude ou mobilité articulaire. L’un des principes neuromusculaires jouant un rôle prépondérant dans l’amélioration de la souplesse est un réflexe inné et naturel du muscle appelé réflexe myotatique.
Qu’est-ce que le réflexe myotatique, et quel est son rôle dans l’action d’étirement ?
Lorsque l’on cherche à étirer un muscle (l’étirement étant un mouvement demandé et non naturel), il revient naturellement à sa position de départ, à sa longueur initiale de repos : c’est ce qu’on appelle le réflexe myotatique. Il permet au muscle de lui rendre sa longueur initiale (suite à un étirement voulu) et de le protéger contre un étirement abusif.
Comme tout réflexe, il a une fonction de protection de l’organisme. Il protège également les muscles et les articulations. Il est en fait présent dans tous les mouvements de notre corps.
De quelle façon le réflexe myotatique intervient-il sur notre corps et dans nos actions quotidiennes ?
Le réflexe myotatique intervient dans chaque mouvement que notre corps exécute :
- d’un point de vue musculaire, il déclenche la contraction d’un muscle en réponse à son propre étirement.
- au niveau de la posture, il permet notre maintien dans l’espace en assurant une contraction légère des muscles. On peut parler ici de tonus musculaire. Il intervient également dans le rétablissement de notre position suite à un déséquilibre, afin d’éviter une chute par exemple.
- au niveau neurologique, le réflexe myotatique est également un outil de diagnostic qui permet de surveiller le bon fonctionnement de notre système neuromusculaire.
Prenons comme exemple un élastique afin d’illustrer et de comprendre le principe du muscle lors de son étirement
L’élastique, qui représente notre muscle, se décompose en 3 phases successives générées lors de l’action d’étirement :
1. Position initiale du muscle au REPOS
Fréquence de base |
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2. Action d’allonger le muscle : ÉTIREMENT
Augmentation de la fréquence de base |
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3. État de RELACHEMENT
Retour à la fréquence de base |
- Lorsque le muscle est au repos, l’activité électrique des fuseaux neuromusculaires est faible. Ces fuseaux sont des récepteurs sensoriels : ils ont pour rôle d’augmenter le niveau de contraction du muscle en réponse à son propre étirement.
- Quand on étire le muscle, la fréquence électrique augmente elle aussi, car les fuseaux sont en activité.
- Lorsque le muscle se relâche, la fréquence devient alors inférieure à celle du repos initial car du fait d’avoir été étirés, les fuseaux sont inhibés.
Pourrait-on parler alors d’une potentielle “mauvaise façon de s’assouplir” ?
Il existe en tous les cas un principe de base inconditionnel : plus on étire brutalement un muscle, plus il va se contracter, en raison du réflexe myotatique. Les propriétés mécaniques du muscle limitent en soi son étirement. On ne peut aller au-delà de la physionomie même de notre corps et de sa constitution osseuse et musculaire.
Plus on étire le muscle de façon brutale, plus on active le réflexe myotatique qui ramène le muscle à sa longueur de repos automatiquement. L’amplitude articulaire atteinte ne sera alors que très brève, car l’étirement du muscle exercée de cette façon va activer le réflexe naturel et le ramener à sa longueur initiale.
Travailler sa souplesse par à-coup rapide et bref ne va donc pas permettre au muscle de se relâcher suffisamment et donc de progresser.
Alors si le réflexe myotatique, de par son mécanisme naturel de contraction, empêche la progression de l’étirement d’un muscle, comment pratiquer sa souplesse de la bonne façon pour favoriser la progression ?
Le muscle que l’on cherche à étirer revient naturellement à sa longueur d’origine par son propre réflexe myotatique. Une bonne pratique visera donc à étirer un groupe musculaire de façon contrôlée et progressive, peu intense, afin de limiter la réponse naturelle de ce réflexe.
Lorsque l’on étire un muscle, il répond directement en se contractant. Travailler sa souplesse de façon lente, progressive et par paliers successifs est la meilleure façon de ne pas trop solliciter ce réflexe, et donc de gagner en souplesse.
Faisons un schéma d’une activité appropriée à exercer, afin de limiter la réponse naturelle du réflexe myotatique :
Amplitude du mouvement
Activité des fuseaux neuromusculaires
- Position initiale
- Action d’étirement peu intense
- Maintien de l’étirement
- Nouvel étirement
- Habituation d’étirement
- Nouvel étirement
L’objectif est de maintenir l’étirement afin de diminuer l’activité électrique des fuseaux neuromusculaires, ce qui permet de rentrer alors dans un processus “d’habituation”.
Une fois celle-ci obtenue, on étire de nouveau le muscle, de façon progressive et contrôlée, pour obtenir de nouveau l’habituation recherchée. Et ainsi de suite, afin de gagner progressivement en souplesse. Cette phase est obligatoire entre chaque action d’étirement, afin de favoriser la progression.
Celle-ci se fait étape par étape, jusqu’à atteindre dans le temps un point d’amplitude articulaire maximale. En étirant le muscle de manière progressive, on peut alors s’approcher d’une amplitude maximale et d’y maintenir la position de l’articulation. Il faut également prendre en compte les propriétés mécaniques du muscle qui vont limiter l’étirement.
Un mot pour la fin ?
Il est important de rappeler que la souplesse est une qualité et une activité physique à part entière, elle doit donc être travaillée et entretenue régulièrement.
Le réflexe myotatique joue un rôle prépondérant dans ce travail, et surtout dans la bonne façon de la pratiquer, limitant naturellement l’action d’étirement abusif, de par sa fonction de protection pour éviter les traumatismes. Une approche lente, progressive et régulière est donc nécessaire pour en voir les bienfaits et résultats sur le long terme.
C’est à la suite d’étirements successifs et progressifs que le pratiquant peut atteindre, avec le temps et un travail régulier, une amélioration et une progression. Suivant le contexte et l’objectif recherché, (maintien physique, amélioration, progression…) la mise en œuvre d’une technique d’étirement appropriée et bien réalisée favorise le développement des performances physiques et techniques.
L’approche mentale est également importante : comme tout exercice demandant un investissement dans le temps, car c’est un travail de fond et un long chemin à parcourir, les résultats ne sont visibles que par la répétition et la régularité exercées dans de bonnes conditions de pratique. Chaque palier franchi dans son travail personnel, peu importe la discipline que l’on pratique, est avant tout une victoire sur soi-même.
“Bien penser, c’est bien agir.”
Équilibre, force et souplesse.
Illustration : Su Vinh Maï Lan PHAM, fille de Thay Chuông Môn PHAM XUAN TONG
Grand Maître fondateur de la méthode Qwan Ki Do ©
Par Võ Su Jérôme GENET, CN3D